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À la défense de la liberté académique

12/12/2021

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​Louiselle Lévesque
 
La liberté académique est-elle en péril ? Face à la montée de la rectitude politique et à la multiplication des cas de bannissement et d’atteinte à cette liberté, nous pourrions être portés à le croire. Et on peut affirmer, par le nombre d’experts qui se trouvent à son chevet en ce moment, que les assauts qu’elle subit sont bien réels et préoccupants.
 
L’affaire Lieutenant-Duval
 

Le cas le plus manifeste de censure des dernières années est sans doute celui dont a été victime la professeure Verushka Lieutenant-Duval suspendue à l’automne 2020 par la direction de l’Université d’Ottawa pour avoir offensé bien malgré elle des étudiants. Rappelons les faits. 
 
La professeure Lieutenant-Duval a prononcé le mot en « n » dans un contexte académique en comparant la réappropriation du mot queer par la communauté gaie à celle du mot en « n » par la communauté noire aux États-Unis. 
 
Malgré ses explications et ses excuses auprès des personnes qu’elle aurait pu heurter sans en avoir l’intention, le recteur de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont, a cédé aux pressions des plaignants et l’a sanctionnée.
 
Cette affaire a provoqué une onde de choc dans le milieu universitaire et une véritable crise de confiance au sein de l’institution. De nombreux collègues de la professeure suspendue se sont portés à sa défense et se sont insurgés contre la décision de la direction de leur institution. 
 
Pour calmer le jeu, l’Université d’Ottawa crée au printemps 2021 un comité sur la liberté académique présidé par l’ancien juge de la Cour suprême du Canada Michel Bastarache. 
 
Celui-ci a remis son rapport cet automne, un rapport sans équivoque quant à la nécessité pour l’université de réaffirmer son attachement à la liberté académique et d’expression. Le comité est « en désaccord avec l’exclusion de termes, d’ouvrages ou d’idées dans le contexte d’une présentation ou d’une discussion respectueuse de nature universitaire et dans un but pédagogique et de diffusion des savoirs ». 
 
Et il ajoute que « les membres de la communauté universitaire doivent être assurés de l’appui de l’Université lorsque leurs droits à la libre expression sont en cause».
 
Rester aux aguets
 
Rachida Azdouz qui est chercheuse affiliée au Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l’Université de Montréal constate un risque réel d’érosion de la liberté académique mais ne croit pas qu’elle soit menacée pour autant. 
 
Elle lance du même souffle un appel à la vigilance comme pour tous les autres droits et libertés, ajoute-t-elle, car rien n’est acquis. Le mot vigilance décrit donc mieux son état d’esprit que le mot inquiétude. 
 
D’abord, la chercheuse insiste pour faire la différence entre la censure et l’autocensure. « On ne retrouve pas à proprement parler dans les universités d’incitation à la censure, ni de consigne venant d’en haut quant aux termes à utiliser ou à ne pas utiliser.  Mais on retrouve oui une incitation à la 
prudence face aux sensibilités et aux fragilités présentes sur les campus. Donc il n’y a pas tant de cas de censure explicite sauf quand on interdit à une personne de venir s’exprimer sur un campus, là on peut carrément parler de censure. »  
 
Elle déplore que « souvent ces annulations ont été le fait d’un recteur ou d’un membre de la haute administration qui n’a pas résisté aux pressions. C’est exactement ce qui s’est passé à Ottawa »  et c’est ce qu’elle qualifie de manque de « courage managérial ». 
 
Elle tient à préciser que la pratique du bannissement n’est pas le seul fait de membres de la communauté étudiante et qu’il y a aussi des professeurs qui adhèrent à cette idéologie.
 
Québec mandate une commission
 
Pour Rachida Azdouz le meilleur baromètre de l’état de la situation reste le rapport du scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, qui dès septembre 2020 avait sonné l’alarme et mis en garde contre ces phénomènes qui atteignent les universités et « qui commencent même à perturber la fonction capitale d’espace de libre débat ». 
 
C’est dans la foulée de ce rapport que la ministre de l’Enseignement supérieur Danielle McCann annonce en mars 2021 la création de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique.
 
La présidence de cette commission a été confiée à Alexandre Cloutier, maintenant vice-recteur à l’Université du Québec à Chicoutimi. L’objectif est de tirer des leçons des incidents survenus à l’Université d’Ottawa et ailleurs au Canada et de faire des recommandations. 
 
Un des premiers gestes du groupe de travail a été de commander un sondage auprès du corps professoral québécois dont les résultats rendus publics fin septembre ont eu l’effet d’un réveil brutal. L’autocensure est beaucoup plus répandue que ce à quoi on s’attendait. 
 
Au cours des cinq dernières années, 60 % des répondants affirment s’être censurés en évitant d’utiliser certains mots, 35 % s’être censurés en évitant d’enseigner un sujet en particulier, 21% s’être censurés en évitant de publier sur un sujet en particulier, 19 % s’être censurés en évitant de faire de la recherche sur un sujet particulier. Alexandre Cloutier avoue être surpris par l’ampleur du phénomène. 
 
La commission doit déposer son rapport final sous peu mais son président a déjà annoncé ses couleurs. Il préconise l’adoption d’une loi ou à tout le moins d’un énoncé de politique pour protéger la liberté académique. Rachida Azdouz doute de l’impact que peut avoir une telle mesure. 
 
Selon elle, la liberté d’expression et les questions de discrimination sont déjà bien encadrées par la Charte québécoise et la Charte canadienne des droits et libertés. Et le code civil et le code criminel balisent quant à eux le discours haineux et la diffamation. 
​

Ce serait, dit-elle, un coup d’épée dans l’eau. Elle ne voit pas non plus d’un bon œil que le gouvernement devienne une sorte d’arbitre en cas de conflit en cette matière. 
 
De surcroît, une approche uniforme qui ne tiendrait pas compte de la culture de chaque institution serait à son avis difficile à faire accepter parce que perçue comme une atteinte au principe d’indépendance des universités. 
 
L’université au service du marché
 
Depuis au moins une vingtaine d’années le gouvernement du Québec cherche à arrimer davantage l’enseignement universitaire aux besoins du marché du travail. 
 
Encore récemment le quotidien Le Soleil nous apprenait que lors d’une rencontre avec les recteurs en juin dernier, le premier ministre François Legault et la ministre McCann ont réaffirmé leur volonté de réformer le milieu universitaire en orientant davantage les jeunes vers les programmes dits plus payants ou hautement spécialisés. 
 
Comment concilier cette vision avec la défense de la liberté académique? Voici une des questions auxquelles le gouvernement Legault devra apporter une réponse au moment où il voudra donner suite au rapport de la Commission Cloutier.
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