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Chronique d'une famine annoncée

6/12/2022

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Catherine Saouter
Plus de cent jours après l’invasion russe de l’Ukraine les ports céréaliers de la mer Noire restent bloqués et Vladimir Poutine propose d’autoriser le transit du blé en contrepartie d’un assouplissement des sanctions visant son pays. L’Occident va-t-il accepter un tel marché ? En attendant …
 
 Antoine Char
 
« Qu’ils mangent de la brioche ! », aurait dit Marie-Antoinette lorsqu’on lui susurra que le peuple de France n’avait plus de pain. La citation apocryphe aurait faussement été attribuée à l’épouse de Louis XVI, tous deux guillotinés. Qu’importe. Elle est reprise à toutes les sauces à chaque émeute de la faim dans le monde.
 
Avec la guerre en Ukraine, un des plus grands greniers à blé de la planète, est-il minuit moins cinq pour les pays du Sud qui souffrent déjà des retombées économiques de ce conflit déclenché le 24 février par la Russie de Vladimir Poutine ?
 
Les aiguilles pointent en tout cas dans la mauvaise direction surtout pour l’Afrique qui importe la moitié de son blé de l’Ukraine et de la Russie.
 
« Les pays du Sahel vont beaucoup souffrir, même si on peut penser que la Russie qui tente de pénétrer très fortement dans cette région va chercher à améliorer son image en leur livrant à conditions avantageuses son propre blé », estime Bruno Parmentier, ingénieur et économiste français, auteur de Nourrir l’humanité et de Faim Zéro (échange de courriels).
 
« Tsunami de famine »
 
Cela fait des semaines que l’ONU tire la sonnette d’alarme sur un « tsunami de famine » particulièrement en Afrique. Le prix de la tonne de blé explose tous les jours un peu plus pour dépasser les 450 $, le double de ce qu’elle coûtait en novembre dernier. Une vingtaine de pays du continent le plus pauvre de la planète importent au moins 50 % de leur blé d’Ukraine ou de Russie.
 
Premier importateur mondial de cette céréale, l’Égypte — avec ses 105 millions d’habitants dont l’immense majorité vit le long de la vallée cultivable du Nil — avait été particulièrement touchée par les émeutes de la faim en 2008. Elles n’avaient pris fin que cinq ans plus tard, déclenchant au passage les printemps arabes de 2011. Le premier avait bourgeonné en Tunisie qui dépend à 45% du blé ukrainien.
 
Le même scénario se profile à l’horizon, malgré les messages rassurants du gouvernement d’Abdel Fattah al-Sissi qui dit disposer de réserves suffisantes de blé jusqu’à la fin de l’année. Fort bien, mais les Égyptiens consomment deux fois la moyenne mondiale de pain et n’oublions jamais qu’un ventre affamé n’a point d’oreilles.
 
La tension mondiale de l’offre et de la demande pour certaines denrées alimentaires de base avait déclenché ces émeutes en Égypte et dans une trentaine de pays, majoritairement en Afrique qui produit en moyenne 23 millions de tonnes de blé annuellement et en importe 40 millions.
 
La faim dans les pays africains va donc revenir au triple galop. Au cours des prochaines semaines, elle risque de toucher au moins 40 millions de personnes au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Pour l’heure, tous les jours plus de 800 millions de personnes dans le monde ont le ventre vide ou mal rempli. En Afrique de l’Est, une personne meurt de faim toutes les 48 secondes.
 
Comment faire ?
 
À cause de la guerre russo-ukrainienne, une quinzaine de millions de tonnes de blé ne seront pas mis sur le marché d’ici la fin du mois et si elle s’éternise comment faire pour réduire les risques de famine en Afrique qui compte 60 % des terres arables non exploitées dans le monde ?
 
« À court terme, c’est très difficile de produire d’un seul coup assez de nourriture dans ce continent qui n’a pas suffisamment développé son agriculture », rappelle Bruno Parmentier pour qui l’Ukraine et la Russie « ont le pouvoir de vie et de mort sur une partie de la population mondiale ».
 
Il faudra donc augmenter l’aide internationale. Mais voilà, des millions de dollars destinés à des programmes au Sahel risquent d’être réaffectés pour financer l’accueil des réfugiés ukrainiens. En mars, le Danemark a ainsi « détourné » près de 300 millions $ destinés aux Africains.
 
Pour aggraver encore plus les choses, le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU en perdant un de ses plus importants contributeurs, l’Ukraine, va devoir frapper aux portes d’autres pays.
 
Et la filière canadienne ?
 
La guerre en Ukraine pourrait être une excellente nouvelle pour le Canada qui produit 12 % du blé mondial, exporté dans une centaine de pays. Le PAM va sûrement demander l’aide d’Ottawa afin de pouvoir continuer à nourrir les 130 millions de personnes à sa charge tous les jours.
 
Mais voilà, comme avec la sécheresse de l’an dernier qui a fait fondre la production céréalière d’au moins 40 %, les agriculteurs canadiens s’attendent cette année à de mauvaises récoltes.
 
Alors ? « Il faudra augmenter le budget du PAM, mais cela ne suffira pas. Il faut qu’il trouve concrètement du grain à acheter », explique Bruno Parmentier.
 
Ces dernières semaines, l’Inde a interdit les exportations de son blé fin d’assurer la sécurité alimentaire de sa population et « la Chine a fait une mauvaise récolte et tente d’importer de grandes quantités de blé ; ce dernier pays possède de loin les plus gros stocks mondiaux mais je doute qu’il s’en sépare, tant le souvenir collectif des famines reste présent dans l’imaginaire local ».
 
Quant à l’idée proposée notamment par la France et la Turquie de « corridors maritimes » pour sortir les céréales ukrainiennes du port d’Odessa, confronté par le blocus de la marine russe, elle ne se concrétise toujours pas.
 
Une parfaite illustration de la quadrature du cercle.
 
Qu’importe …
 
Depuis le 24 février, l’Afrique dans son ensemble a refusé d’exprimer son soutien à Kiev et Moscou, arguant que ce n’était pas sa guerre. Avec 25 % des sièges à l’ONU, elle joue la prudence diplomatique, même si l’influence russe sur le continent est une réalité grandissante.
​
Qu’importe les raisons, bientôt il y aura davantage d’Africains succombant à la faim que d’Ukrainiens et de Russes morts dans ce conflit en plein cœur de l’Europe.
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