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Dur, dur d'être journaliste en Grèce

5/12/2022

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Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai rappelle tous les ans depuis 1993 aux gouvernements leur devoir. Lequel ? Respecter et faire respecter le droit de la liberté d'expression. Elle bat de l’aile dans un pays, en plein cœur de l’Europe.
 
Antoine Char
 
Les Grecs ont ces mots pour désigner les liens entre le monde économique, les médias et la politique : le « triangle du péché ». Un vrai sacrilège pour une démocratie, ce « pouvoir du peuple » né il y a plus de deux millénaires à Athènes.
 
Depuis la chute du régime des colonels en 1974, une dizaine de « grandes familles » mettent leur nez partout. Y compris dans les salles de rédaction qu’elles contrôlent directement ou non. Résultat : leur ingérence coûte cher à la liberté de la presse. 
 
Ainsi l’an dernier, la Grèce perdait cinq places sur le classement mondial de la presse, établi par Reporters sans frontières (RSF). Elle se situait au 70e rang sur 180 pays, derrière la Pologne et … la Mongolie. Et cette année ?

Elle dégringole à la 108eplace. « Non seulement la Grèce échoue à protéger ses journalistes, mais en plus il y a, à l’évidence, une volonté politique à réduire la liberté de la presse », note RSF dans son rapport publié le 3 mai.

Couvrir, par exemple, la crise migratoire, toujours chronique, est devenu une course à obstacles et les interventions policières contre des photoreporters lors de manifestations sont monnaie courante. 

Un nouveau code pénal « absurde »

L’élection en 2019 du conservateur Kyriakos Mitsotakis, descendant d’une des principales dynasties de la politique grecque (son père a été premier ministre de 1990 à 1993), n’a en rien calmé le jeu avec ce qui reste du « quatrième pouvoir ». Un exemple ?

Vingt-quatre heures après sa victoire, le gouvernement de la Nouvelle-Démocratie (ND) prenait officiellement le contrôle de l’agence de presse nationale ANA-MPA et d’ERT, la télévision nationale.

Deux ans plus tard, le 11 novembre dernier, le Parlement adoptait un nouveau code pénal criminalisant les « fake news ». 

Ainsi, tout journaliste, éditeur ou propriétaire du média responsable de « fausses informations susceptibles de susciter l’inquiétude ou la crainte du public ou de saper sa confiance dans l’économie nationale, la capacité du pays ou la santé publique », peut être sanctionné par des amendes ou même des peines d’emprisonnement de trois mois à cinq ans de prison. Où est le problème ? Il n’y a pas de définition claire de ce qu’est une fausse information. 

« C’est une loi absurde qui devrait être abolie car elle n’est pas conforme avec les règles de conduite de l’Union européenne », note Ingeborg Beugel, une journaliste néerlandaise vivant à Athènes depuis 40 ans (échange de courriels).

« Arrêter de mentir »

Spécialisée dans les questions migratoires, elle demanda en novembre à Mitsotakis, lors d’une conférence de presse, s’il comptait  « arrêter de nier et de mentir » sur les allégations de refoulement en mer de migrants venant de Turquie. Outré, il lui répondit qu’elle n’avait pas le droit de l’insulter « moi et le peuple grec ». 
Elle fut ensuite accusée d’être une agente pro-turque, puis agressée dans la rue. Elle jugea alors bon de quitter Athènes. « J’y suis retournée incognito le 28 décembre ! Je crains bien sûr pour ma sécurité. Nous sommes criminalisés, harcelés, intimidés mais je ne peux les laisser gagner. »

L’État domine

Le paysage médiatique grec est dominé par cinq conglomérats et l’État est roi. Comment ? Les 15 quotidiens, les 10 hebdomadaires, les 16 journaux dominicaux, les six chaînes de télévision privées (en plus des deux chaînes nationales) les 120 chaînes locales et le millier de stations de radio,tiennent le plus souvent grâce aux subventions gouvernementales. Pas étonnant qu’ils soient à plus de 95 % pro-gouvernementaux. 
 
« L’indépendance éditoriale est sous pression, de la part des propriétaires (dans la mesure où il s’agit de magnats des affaires dont les intérêts économiques s’alignent sur la politique gouvernementale) et du gouvernement », explique Laurens Hueting du Centre européen pour la liberté de presse (échange de courriels).
 
Cette érosion de la liberté de presse inquiète-t-elle les 11 millions de Grecs ? Pas du tout. 70 % de la population ne fait pas confiance aux médias. Le plus fort taux de l’UE.

À tout ceci, l’assassinat du journaliste Giorgos Karaivaz, tué à bout portant devant chez lui le 9 avril 2021, par deux hommes à moto, est tombé dans l’oubli. Il enquêtait sur des scandales touchant le gouvernement de la Nouvelle Démocratie. Onze ans plus tôt, un autre reporter, Sokratis Giolias, était abattu par un groupe extrémiste.

Vingt ans de prison ?


En ce moment, deux journalistes ayant enquêté sur des scandales de corruption et d’évasion impliquant de hauts responsables politiques sont poursuivis pour « manquement à leur devoir » et « participation à un complot ».Kostas Vaxevanis, et Gianna Papadakou, risquent vingt ans de prison.
​

Ce procès se déroule dans la quasi-indifférence et lorsque le ministre d’État George Gerapetritissoutient que « la Grèce adhère pleinement aux valeurs d’une société démocratique et à l’état de droit, en particulier le pluralisme et la liberté de la presse », il peine à convaincre, même s’il ajoute : « Si nous n’adhérons pas toujours à ce que les médias écrivent, nous défendons (...) le droit d’une presse libre à travailler sans entrave et indépendante de toute interférence extérieure » (dépêche de l’AFP, 19 décembre 2021).

La liberté de la presse en Grèce est peut-être absolue … mais à géométrie variable. Jamie Wiseman, de l’International Press Institute (IPI), parle « de liens néfastes entre les dirigeants politiques et les magnats des médias, de conditions de travail très précaires pour les journalistes causées par le krach économique [2008-2009] d’un manque d’accès à l’information et aux données publiques […] » (échange de courriels).

Les Grecs ont inventé ce mot pour décrire les relations incestueuses entre le politique et l’économique : « diploki » (imbrication). Dur, dur d’être journaliste dans un pays où tout est « imbriqué ».
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