En retrait
  • NOUVELLES
  • À PROPOS
  • CONTACTEZ-NOUS
  • NOUVELLES
  • À PROPOS
  • CONTACTEZ-NOUS
Picture

Le vendeur d'émotions

4/13/2022

0 Commentaires

 
Picture

Depuis que Jean Charest a annoncé sa candidature à la direction du Parti conservateur du Canada (le vote aura lieu le 10 septembre), des membres du parti, d’autres candidats.tes, et des Canadiens se demandent s’il est plus conservateur que libéral, plus bleu que rouge. Or, ce n’est pas par la palette des couleurs que se définit Charest. 
  
Jean Dussault

L’homme qui a été premier ministre du Québec de 2003 à 2012 est réputé avoir un flair politique exceptionnel. Être élu député conservateur de Sherbrooke en 1984 ne relève pas de l’exploit : une vague bleue a alors déferlé sur le Canada et, en prime, le jeune avocat a eu la bonne idée d’être candidat conservateur dans une ville conservatrice qui avait régulièrement voté Crédit social à Ottawa, Union nationale à Québec. L’image du surfeur vient à l’esprit. 
 
Ministre de second plan dans le gouvernement Mulroney, M. Charest a échoué dans sa première tentative de devenir chef du Parti progressiste-conservateur en 1993. Après la catastrophe électorale de son parti sous Kim Campbell, il est  devenu chef intérimaire d’un parti qui comptait deux députés sur 295 au Parlement. 
 
L’élection de 1997 a ramené à Ottawa une bien petite récolte de députés bleus, 20 sur 301, sous le leadership de Jean Charest.  Son statut à Ottawa était peu grisant ; la promesse de jours meilleurs plutôt pâlotte. 
Il est sorti de son canyon politique en remontant l’escalier référendaire qu’il avait emprunté durant son calvaire fédéral. 
 
L’élan
 
Avant et pendant ses mandats comme premier ministre du Québec, Jean Charest a répété qu’il ne fallait pas un autre référendum sur l’indépendance du Québec parce que « ça divise la population ». La même logique entraînerait l’annulation des élections, mais  ce n’est pas de logique dont il est ici question. La menace d’un référendum est depuis longtemps réelle pour une majorité ; pour d’autres, il s’agit du mythique bonhomme sept heures. Les arguments varient donc selon les opinions : ainsi en va-t-il des débats démocratiques dans les sociétés qui ont le privilège d’en faire.
 
Or, selon lui, les arguments ne suffisent pas à éclairer le débat, la logique ne parvient pas à emporter l’adhésion : l’outil essentiel du tribun est l’émotion. 
 
Le tremplin
        
Jean Charest a surgi pendant la campagne référendaire sur la souveraineté du Québec de 1995 pour combler ce qu’il a lui-même appelé « un déficit d’émotion» . Le « camp du oui » soulevait les foules et touchait les émotions grâce à d’immenses personnages politiques comme Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et, dans une moindre mesure, Mario Dumont. 
 
Tel que prescrit par la loi sur les consultations populaires, le « camp du non » était présidé par le chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, Daniel Johnson, dont les nombreux talents n’incluaient pas le charisme. 
 
Le formidable orateur fédéraliste, le premier ministre canadien Jean Chrétien, était aussi détesté qu’admiré, autant exécré que respecté. Du côté du « non », il manquait donc clairement un joueur rassembleur pour contrer le trio du oui ; M. Charest l’a relaté à l’occasion du (presque) vingtième anniversaire du vote clivant. 
 
« Dans le camp fédéraliste, il y avait un déficit d’émotion. C’était très clinique, notre affaire. C’était les jobs, le dollar canadien… Et la politique, c’est de l’émotion. J’étais celui qui venait combler ce déficit d’émotion. Plus la campagne avançait, plus il y avait une demande du côté fédéraliste pour cette émotion. On voulait que je sois là parce qu’ils voyaient la campagne du Oui et ils disaient : on en veut, nous aussi, de l’émotion ».(1) 
 
Le saut
 
Au moment où Jean Charest s’est lancé une autre fois à la quête de son rêve ultime, les Ukrainiens subissaient, souffraient, mouraient. Il n’y a que le calendrier qui ait juxtaposé une affaire personnelle et une tragédie collective, il n’y a absolument rien qui relie l’ambition légitime de Charest à l’horreur de la guerre ailleurs.
 
Pourtant, l’aspirant chef conservateur a lui-même fait un lien entre son avenir politique et les lendemains bouchés de millions d’Ukrainiens. 
 
En notant poétiquement qu’il ne faut pas attendre d’avoir soif avant de creuser un puits, M. Charest a fait miroiter l’exportation de pétrole de l’ouest canadien pour sauver l’Europe de l’Ouest de sa dépendance vis-à-vis la Russie de Poutine. 
 
L’image du surfeur revient à l’esprit puisque que les probabilités que du pétrole lourd des sables bitumineux de l’Athabasca parvienne à une  raffinerie de pétrole léger de  Dresde sont, disons, minces.
 
Non, M. Charest n’est pas le seul à avoir ainsi embué la fenêtre de la logique par des larmes politiques. Il a quand même utilisé une recette émotive éprouvée.
 
Anastasia
 
Le 13 septembre 2006, une jeune femme a été assassinée au Collège Dawson de Montréal. Un drame immense, inimaginable, insupportable  pour la famille d’Anastasia De Sousa.
 
Les réactions appelaient une réponse de Québec. Comme si un gouvernement pouvait prévenir toutes les aberrations, comme si un gouvernement provincial avait quelque compétence sur les armes à feu. 
 
Qu’à cela ne tienne, ou pas, le gouvernement Charest a fait adopter une loi qui interdit la possession d’armes à feu dans les établissements d’enseignement, les garderies et les autobus. Sous peine d’amende de 500 à 5000 $. Il s’agit d’une mesure dont l’effet dissuasif sur un criminel enragé ou emmêlé peut sans doute être débattu, mais par laquelle Jean Charest a voulu montrer avoir entendu, et compris.
 
Pour être bien sûr d’être à son tour bien compris, le premier ministre a personnellement annoncé que la loi aurait un prénom évocateur en plus d’un titre bureaucratique : la loi visant à favoriser la protection des personnes à l’égard d’une activité impliquant des armes à feu  s’appellera « La loi Anastasia ».  
 
Et pour garantir que personne n’oublie la touchante attention, la famille De Sousa était présente lorsque le lieutenant-gouverneur a sanctionné la loi.
 
Selon ses opposants, Jean Charest racle le fond de la marmite du cynisme. Selon ses partisans, il saisit  à merveille les enjeux sociaux et les notions variables et variantes de l’âme publique.  
Sa couleur ? Bof !
0 Commentaires



Laisser une réponse.

    Lectures de mai 2022
    Que se passe-t-il au Kremlin ?
    L'information sous les bombes
    La caricature du mois
    Le mariage de la carpe et du lapin
    L'inflation dope les finances publiques
    La langue, un enjeu déterminant
    Crises, la vérité, toute la vérité ?
    Les droits de la droite
    Israël-Palestine : «Trop c'est trop ! »
    Dur, dur d'être journaliste en Grèce
    Regards sur la presse japonaise
    Une famille royale marquante
    L'hénaurme Mingus
    Lectures à demeure
    Polar & Société : Préjugés et préjudices
    Lectures d'avril 2022
    Crime contre l'humanité ou génocide
    La caricature du mois
    L'Ukraine, Poutine et l'Histoire
    France : cohabitation adorée
    La CAQ triomphante
    Logement, le cercle vicieux
    Sale temps pour le plastique ?
    Le renard et les hommes
    Le vendeur d'émotions
    Un pan inconnu de l'Histoire
    Cellar Live ou la force du jazz
    Écouter les morts avec les yeux
    Polar et société : Un voyage dans le temps
    Lectures de mars 2022
    Dans le brouillard de la guerre
    Le militaire de Poutine
    Les Ukrainiens ne sont pas des Russes
    La caricature du mois
    Le retour de jean Charest
    L'inflation s'installe à demeure
    L'Afghanistan, misère !
    Seules au monde, les Afghanes
    Les Lumières du Panjshir
    Signes, signes
    Taxer davantage les riches ?
    Covid, guerre et climat à deux dollars
    Zoothérapie : intervention ciblée
    «Truth social», ou la vérité selon Trump
    William Parker, enfin !
    Amérique indienne, un coeur qui bat
    Polar et société : En direct de la fosse aux lions
    LECTURES DE FÉVRIER 2022
    Quand l'histoire bégaie ...
    Les zigzags sur le front de l'Est
    La caricature du mois
    La Chine, médaille d'or économique
    Année électorale pas comme les autres
    Les étudiants anxieux et ... déterminés
    Guantánamo, « l'Alcatraz des Caraïbes »
    La machine à remonter le temps
    États-Unis: une démocratie attaquée
    La dépossession des disparus
    Qu'est Nathalie Bondil devenue ?
    Le pianiste qui venait du froid
    Polar et société: Être ou ne pas être un ... polar
    LECTURES DE JANVIER 2022
    R2D2 s’en va-t-en guerre
    Les États-Unis en déclin, vraiment ?
    Rock and or !
    La peau d'Horacio Arruda
    La caricature du mois
    Élections : éduquer, éduquer, éduquer
    Désinformation : qui doit faire la police ?
    Le français, 5e langue mondiale ? Hum ...
    Une loi pour la liberté académique
    Maître Harris n'est plus
    Ciel mon cerveau !
    Polar et société: L'insoutenable lourdeur de lourdeur de l'êtreE
    Émile Nelligan: « un rêveur qui passe »
    Lectures de Décembre 2021
    Du gain et des jeux
    À DEUX PAS DE LA LIGNE ROUGE
    RÉFUGIÉS : LE CYCLOPE MÉDIATIQUE
    LA CARICATURE DU MOIS
    PETITES NOUVELLES DE FRANCE
    L'ALBERTA ET LA ROUTE DES DINOSAURES
    CES LANGUES QUI REFUSENT DE MOURIR
    FRANCE: QU'AS-TU FAIT À TON DOUX PARLER ?
    MAIS OÙ SONT PASSÉES LES GLACES D'ANTAN?
    GOLF: L'ATOUT INDÉNIABLE DE LA COVID
    SUN RAY AUX GRAMMYS ...
    TONY, DITES-VOUS !
    POLAR ET SOCIÉTÉ : UN ÉQUILIBRE BIEN FLOU
    LECTURES DE NOVEMBRE 2021
    PANDORA PAPERS: LES VRAIS PARADIS
    VICTIMES COLLATÉRALES, VOUS DITES?
    MINORITAIRES ET NON VACCINÉS
    L'INDÉPENDANCE, UNE IDÉE DU PASSÉ?
    LE REFLUX DE L'INDÉPENDANTISME CATALAN
    FACEBOOK : CROIRE EN LA MÉTA-MORPHOSE?
    la caricature du mois
    L'ENJEU IRLANDAIS DU BREXIT
    ET VOICI, GB NEWS!
    L'AMOUR SUPRÊME, SELON COLtrane
    POLAR ET SOCIÉTÉ: TANT DE VIOLENCE!
    MARIE-ANASTASIE : PRÉSENCE DE L'ABSENCE
    LECTURES D'OCTOBRE 2021
    Amazon à l'assaut
    Covid-19 le "virus de la faim "
    Trump encore et toujours
    Municipales: le réseau cyclable en tête
    Alerte aux lanceurs
    Raoult, le populisme scientifique
    Afghanistan : le difficile mea culpa
    Hémon, Going My Way

𝕰𝖓 𝕽𝖊𝖙𝖗𝖆𝖎𝖙 

Loin de l’actualité brûlante, loin des pesanteurs du deadline, loin du brouhaha des salles de rédaction, 𝕰𝖓 𝕽𝖊𝖙𝖗𝖆𝖎𝖙  réunit des journalistes* nés au temps de l’imprimerie et ayant tout le recul nécessaire pour mieux analyser les complexités du monde d’ici et d’ailleurs.
La retraite des « travailleurs de l’information », peu importe les médias, permet de tourner le dos à l’emballement perpétuel et renouer ainsi avec les plaisirs de la lenteur.
Avec 𝕰𝖓 𝕽𝖊𝖙𝖗𝖆𝖎𝖙, l’actualité vous est disséquée une fois par mois sous forme d’opinions certes, mais toujours basées sur des faits.

Suivez-nous!

    Contactez-nous

Envoyer