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Maître Harris n’est plus

1/12/2022

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Barry Harris (1929-2021)

Serge Truffaut
 
On le sait peu, mais Detroit est la ville où sont nés le plus grand nombre des « plus meilleurs » musiciens de jazz. Elvin Jones, Ron Carter, Kenny Burrell, Pepper Adams, Geri Allen, Thad Jones et beaucoup d’autres ont grandi dans ces environs. C’est surtout au piano que les enfants de la ville des moteurs, qui a dominé le Dow Jones et ses affidés pendant des lunes, se sont distingués. Leurs noms ? Tommy Flanagan, Hank Jones, Sir Roland Hanna et Barry Harris.
 
Pour tous les producteurs de la planète jazz, les trois premiers personnifient une police d’assurance. L’amplitude de leur savoir-faire stylistique et leur profonde connaissance du livre du jazz rassuraient énormément les directeurs artistiques inquiets ainsi que les esprits chagrins. Cela explique ceci : à eux trois, ils ont participé à des centaines d’enregistrements.
 
Il est arrivé que, partant de ce groupe, on trace la diagonale avec les quatre mousquetaires. La comparaison est aussi sympathique que commode, mais pas tout à fait exacte. Car le quatrième, donc Barry Harris, fut davantage capitaine Fracasse que d’Artagnan. 
 
Comme le capitaine, Harris avait l’efficacité discrète là où elle était flamboyante chez d’Artagnan. Le 8 décembre dernier, il a rejoint, comme cela se dit en langue jazz, le big band que Duke Ellington dirige dans l’au-delà. La cause ? Le virus qui enquiquine le monde (pour rester pondéré) depuis deux ans. Harris avait 91 ans. 
 
À l’instar de Hank Jones et de Flanagan, il fut un géant du piano. Mais à la différence de ces derniers, voire de toute la confrérie du jazz, il fut un immense pédagogue, un maître de la théorie musicale, un professeur aussi méticuleux que très exigeant. Bref, le parcours de Harris fut passablement singulier.
 
Sur son instrument, il déployait une virtuosité qui faisait l’admiration de ses collègues, car jamais il ne sombrait dans l’esbroufe, le jeu des m’as-tu-vu, celui des racoleurs. Au piano, il a soutenu Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Dexter Gordon, Coleman Hawkins, Lee Morgan, Max Roach, Sonny Rollins, Cannonball Adderley, et bien d’autres.
 
Il a donc joué pour les autres, mais aussi pour lui. Toujours en trio. Et cela pour mettre en relief son autre obsession. De quoi s’agit-il ? Observer les devoirs qui incombent à tout encyclopédiste, ici du jazz. 
 
Au ras des pâquerettes, Barry Harris a passé 70 ans de sa vie à décortiquer des œuvres dans les moindres détails, à les transmettre, à développer des grammaires de composition, à concevoir des méthodes de répétition empruntant jusqu’aux sonates de Bach.
 
Sur ce flanc, il va impressionner deux géants du jazz : John Coltrane et Thelonious Monk. Le premier va adopter ses méthodes. 
 
Dans le cas du deuxième, leur histoire s’est conjuguée avec une longue amitié et un respect mutuel. Pour faire court, ces deux-là étaient des amis de la baronne Pannonica de Koenigswarter, née Rothschild, grande mécène du jazz. Et alors ?
 
À partir de 1970, elle les a hébergés dans la grande maison qu’elle possédait sur la rive de l’Hudson, en face de New York. C’est dans ce lieu que Monk a passé les dix dernières années de sa vie, là que Harris a étudié ses compositions. Et c’est aussi de là que Harris partait tous les matins en direction de New York, pour y enseigner le piano et la composition. Jour après jour, semaine après semaine, année après année.
 
Afin d’offrir un enseignement de haute qualité mais au plus bas coût possible à ses élèves, Harris a toujours refusé les juteuses offres proposées par les écoles Juilliard de ce monde. En échange de cette abnégation, il n’était pas simplement exigeant, mais très exigeant.
 
Cette passion pour l’enseignement, ou, plus exactement, cette passion pour la transmission de cet art singulier qu’on nomme jazz, il l’aura cultivée, par Zoom interposé, jusqu’aux derniers jours de sa vie.
 
Quoi d’autre ? Des discussions qu’on a eues avec lui au 2080 de la rue Clark dans les années 1980 et au Upstairs des années plus tard, on retient son extraordinaire clairvoyance sur l’état du jazz et surtout sa passion marquée pour cette musique. De Barry Harris, on retient qu’il a composé le discours de la méthode du jazz.
 
Suggestions phonographiques : Magnificent sur étiquette Riverside, Lee Morgan – The Sidewindersur Blue Note, Coleman Hawkins – Siriussur Pablo.
 
                                                                                                       *****
Année après année, en décembre comme en janvier, les médias proposent encore et toujours la liste des meilleurs enregistrements. Pour des raisons qui relèvent de la méthodologie, on pense notamment à l’atomisation des réseaux de distribution, cet exercice s’est transformé en de la fumisterie en conserve. En d’autres mots, il frise la malhonnêteté.
 
D’autant que, d’excellentes maisons de disques ne disposant pas de moyens suffisants pour envoyer des exemplaires aux critiques, bien de leurs enregistrements passent sous le radar médiatique. On pense notamment à Smoke Sessions Records, à Cellar Live, à Small’s et à High Note Records.
 
Cela souligné, nous avons, pour notre part, retenu les albums suivants : Swirlingdu Sun Ra Arkestra sur étiquette Strut ; Look Outpar The Cookers sur étiquette Gearbox ; Tone Poempar Charles Lloyd & The Marvels sur Blue Note; Time to Swingpar Joe Farnsworth sur Smoke Sessions ; et bien évidemment A Love Supreme – Live at Seattlepar John Coltrane sur Blue Note.
 
                                                                                                           *****
Don Was, président de Blue Note et producteur des Rolling Stones depuis pratiquement trente ans, réalise régulièrement des entrevues avec les musiciens de jazz liés à son étiquette. Tout récemment, il s’est entretenu avec Wayne Shorter. On peut les entendre sur YouTube. Il suffit de taper ces mots : Wayne Shorter on First Look with Don Was.
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