À propos de l'auteur : Jean-Claude Bürger

Catégories : International

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Éric Zemmour, le 5 décembre devant ses partisans à Villepinte (Seine-Saint-Denis) : Reconquête !

Jean-Claude Bürger

16 novembre 2021, Aéroport Charles De Gaulle.
La France sera toujours la France disait le grand Charles… atterrissage en pleine grève des personnels de sécurité… Grand désordre, attentes, correspondances manquées, mauvaise humeur générale. Les Français râlent contre les Français… Les étrangers râlent contre les Français, Anglais sarcastiques, Allemands condescendants, Italiens agacés, mais compatissants…

Dans ce monde qui semble bâti sur des sables mouvants il est rassurant de retrouver des éléments qui paraissent immuables et pourtant… Pourtant même au royaume de France des choses semblent avoir changé.

Qu’on se rassure, il y a toujours des manifestations! Les revendications varient, les cortèges sont identiques. Ils bloquent les mêmes rues et convoquent les mêmes cars de CRS (Compagnies républicaines de sécurité, corps spécialisé de la Police nationale)

Aujourd’hui ce sont les anti-vaccins, qui dans une union sacrée avec les anti-passes sanitaires, défilent. Ils remplacent, le temps que la sélection naturelle fasse son œuvre, les protestataires habituels.

Personne ne se retourne

Mais des manifestants à Paris c’est un peu comme des blondes à Stockholm, personne ne se retourne.
En ces dernières semaines de novembre le personnel politique ne semble pas non plus, particulièrement troublé par les manifestations de mauvaise humeur du petit peuple.

Les partis qui au fil des dernières décennies avaient monopolisé l’attention et le pouvoir, semblent continuer à gesticuler dans le vide sans se rendre compte que le sol, un peu comme dans les dessins animés de notre enfance, s’est dérobé sous leurs pas.

Les socialistes n’existent plus, le parti Les Républicains de Sarkozy semble avoir explosé, tous remuent comme des diables dans un bénitier sans arriver à émulsionner les éléments dont l’agrégation faisait jadis leur force.

La mayonnaise ne prend pas, et les sondages ne leur laissent guère d’espoir.

Pour l’instant face à cette agitation dérisoire et aux pseudo rassembleurs qui s’époumonent dans de vains « qui m’aime me suive! », le gouvernement et son chef ont beau jeu à garder profil bas. Ils affectent de se consacrer à la crise. Pour l’instant, Macron reste en tête dans les sondages.

Zemmour, un sujet qui rassemble

Malgré la multiplicité des courants politiques il y a quand même en France un sujet qui rassemble. La simple évocation du nom d’Éric Zemmour déclenche un concert d’imprécations. C’est l’homme dont la détestation devient un sport national.

Pour la gauche, c’est le mal absolu, un fasciste, raciste xénophobe misogyne homophobe … Le centre et les médias ne sont pas loin de partager la même opinion quant aux partis de droite, ils voient surtout en lui un dangereux prédateur, dévoreur de votes.

Il faut dire que ce polémiste, qui joue depuis des années dans les médias le rôle de l’intellectuel de droite de service n’a jamais été avare de petites phrases provocatrices ni d’affirmations scandaleuses. Elles ont fait sa renommée. Il fait fi avec délices des tabous les plus sacrés de ce que les Français appellent la bien-pensance et exècre la gauche.

Le grand remplacement

Son fonds de commerce : la théorie du grand remplacement. Zemmour volontiers apocalyptique, annonce la fin de la France. Elle est, d’après lui, anesthésiée par la gauche et la presse, colonisée par l’islam et les musulmans.

La classe politique décadente est incapable de lutter pour conserver les valeurs et les traditions de ce beau et grand pays.

Il voue régulièrement aux gémonies les islamo-gauchistes un terme qui évoque comme un écho sinistre celui de judéo-bolcheviques dont les nationalistes des années trente affublaient l’ennemi.

Bref ce dynamiteur de bons sentiments est considéré comme infréquentable par « tout ce qui grouille, grenouille et scribouille », aurait dit De Gaulle.

Mais n’est pas De Gaulle qui veut. Zemmour, qui le sait bien, n’est pas intimidé pour autant. D’ailleurs, son ambition, dit-il, le porte plutôt pour l’instant vers une réussite à l’image de celle de Donald Trump. Se faire détester de l’intelligentsia permet de s’attirer les faveurs du peuple.

Prôner le retour à la grandeur passée, lutter contre l’étranger, dénoncer la décadence des élites politiques a fait ses preuves aux États-Unis. Il faut, dit Zemmour, réunir ici autour de ces thèmes les classes populaires et la bourgeoisie patriote.

Au fond rien de bien nouveau, on pourrait ajouter que jadis ça n’a pas mal fonctionné non plus en Allemagne ou en Italie.

C’est aussi dans la grande tradition de la droite française. Nombre de ses partisans ne s’y trompent pas qui viennent de la nébuleuse de la droite plus extrême, la violente, activiste, celle toujours prête à faire le coup de poing contre les gauchistes.

C’est toujours utile dans un service d’ordre… Zemmour, brillant polémiste par ailleurs, attire aussi de potentiels électeurs; lui qui était crédité il y a six mois à peine de 5% d’intentions de vote est rapidement monté vers le 15% au coude à coude avec Marine Le Pen avant même de déclarer officiellement sa candidature…

Reconquête !

Le 5 décembre devant plus de 10 000 partisans et deux millions et demi de téléspectateurs à Villepinte (Seine-Saint-Denis) il lance son parti : Reconquête!

Rassemblement parfaitement organisé. Il réfute les qualificatifs dont l’accablent ses adversaires. Raciste! Évoquant ses parents venus d’Algérie il s’exclame :
« Comment pourrais-je penser cela, moi, petit Juif berbère venu de l’autre côté de la Méditerranée?   Misogynie? Il conteste mais fustige les féministes qui s’occupent de l’écriture inclusive plutôt que de défendre les femmes musulmanes aliénées par la religion. Immigration zéro!

Annonçant le premier point de son programme, il sort une botte secrète « il y a exactement 31 ans, toute la droite s’était réunie (ici) pour organiser des “états généraux de   l’immigration”…Il y avait Chirac, Giscard, Juppé́, Bayrou, Sarkozy, Madelin. Et tant d’autres. On y promettait alors que l’immigration serait réduite à zéro, que la solidarité́ nationale serait réservée aux Français, et que le droit du sol serait abrogé. On y affirmait avec force que les lois islamiques étaient incompatibles avec les lois de la République française* Jepose une question simple : Jacques Chirac était-il d’extrême droite ? Valery Giscard d’Estaing? Alain Juppé, François Bayrou, eux aussi d’extrême droite?»

La force de Zemmour, réside aussi, dans cette connaissance de l’histoire rarement prise en défaut. L’art de l’argumentation subtilement étayée, celui de mettre les paradoxes à son service, séduit une certaine bourgeoisie lettrée et nationaliste.

Ce ne sont effectivement pas tant ses opinions qui sont d’extrême droite, c’est leur violence. C’est sa brutalité qui séduit l’électorat populaire de l’extrême droite.

C’est le fait qu’il semble prêt à l’utiliser dans sa politique, là où par le passé la droite traditionnelle a reculé face à des coûts humains que la majorité aurait refusés. Cette majorité aurait-t-elle changé d’avis?

C’est sans doute, son espoir, à la vue de ces passants qui déambulent indifférents malgré l’approche de l’hiver, parmi les tentes des réfugiés migrants et sans abri qui envahissent les trottoirs de la capitale.

* C’est effectivement ce que l’on trouve en substance dans le rapport de synthèse de la convention des états généraux de l’opposition sur l’immigration du 31 mars 1990

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