En retrait
  • NOUVELLES
  • À PROPOS
  • CONTACTEZ-NOUS
  • NOUVELLES
  • À PROPOS
  • CONTACTEZ-NOUS
Picture

R2D2  s’en va-t-en guerre

1/13/2022

0 Commentaires

 
Picture
Christian Tiffet

Claude Lévesque

Le 17 décembre 2021, faute d’unanimité, un organisme important mais peu connu des Nations unies a renoncé à produire un traité sur les « robots tueurs ». 
 
La « Sixième Conférence d’examen des hautes parties contractantes à la Convention sur certaines armes classiques » (sic) a mis fin à ses travaux à Genève sans adopter de plan ni d’échéancier pour en arriver là. 
​
Le sujet n’a été traité qu’en termes généraux et tout ce qui a été décidé à l’issue de cette réunion, c’est de charger un « groupe d’experts » d’en discuter pendant une dizaine de jours dans le courant de l’année 2022. (1)
 
La majorité des 125 délégations étaient d’accord pour interdire ou à tout le moins réglementer la production et l’usage de tels dispositifs, qui prennent le plus souvent la forme de drones capables de tirer des balles ou d’autres projectiles meurtriers sans intervention humaine. 
 
Ces sympathiques objets sont alimentés par des algorithmes d’intelligence artificielle (IA) et des applications de reconnaissance faciale ou d’interprétation d’autres données anthropométriques.
 
Vide juridique
 
Actuellement, le développement des armes autonomes se fait dans un vide juridique à peu près total, ce qui pose, entre autres problèmes très graves, celui de la responsabilité en cas de bavures. 
 
L’expression « robot tueur » - en anglais, on dit Killer Robot ou Slaughterbot -  a évidemment été adoptée par les adversaires de ce genre de technologie. Une appellation plus neutre ou, pourrait-on dire, plus « polie » serait « système d’armement léthal autonome » (SALA, un acronyme qui se traduit par LAWS en anglais). 
 
Une poignée d’États qui comptent des fabricants de ces … « robots tueurs » (foin des euphémismes!), dont les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni et l’Inde, se sont opposés à l’idée d’un traité, d’une convention ou de tout autre instrument contraignant.

Depuis huit ans, les partisans d’un traité musclé ont échoué dans leurs efforts. En 2013, ils ont fondé la « Campagne pour stopper les robots tueurs », qui regroupe aujourd’hui près de 180 organisations non gouvernementales (ONG).

Lettre

En 2015, plusieurs vedettes de la science et de l’industrie ont cosigné une lettre réclamant l’interdiction des armes autonomes. Parmi les signataires figuraient Stephen Hawkins, Steve Wozniak, Noam Chomsky et Elon Musk. Cette lettre a été lue à l’occasion d’une conférence internationale sur l’intelligence artificielle tenue à Buenos Aires. 

Le danger des « robots tueurs » paraissait surtout théorique jusqu’à tout récemment. Les choses ont quelque peu changé l’année dernière. Selon un groupe d’experts mandatés par le Conseil de sécurité des Nations unies, un drone Kargu2 a été utilisé de façon autonome en 2020 par les autorités de Tripoli contre des cibles humaines en Libye. 
 
STM, la société turque qui fabrique ces robots volants et qui en a vendu au gouvernement libyen, nie les constats du rapport onusien, qui a été publié en 2021.
 
Plusieurs importantes sociétés du secteur de l’armement sont soupçonnées d’être impliquées dans le développement d’armes autonomes. 
 
Les plus connues affirment toutes que leurs produits ne seront jamais utilisés sans intervention humaine, mais les adversaires de cette technologie doutent que les utilisateurs finaux aient ce genre de scrupule, surtout s’il s’agit d’ «acteurs non-étatiques » (entendre les nombreux groupes terroristes et criminels qui sévissent sur la planète). 
 
Appuyer sur la gâchette
 
De toute façon, pourquoi concevoir des armes ayant le potentiel de décider elles-mêmes quand appuyer sur la gâchette si ce n’est pas pour qu’elles le fassent au moins à l’occasion? C’est un peu comme si les fabricants de pistolets affirmaient que leurs produits ne seraient jamais chargés avec autre chose que des cartouches à blanc. 
 
Le gouvernement américain et certains groupes de réflexion proches du complexe militaro-industriel admettent que des robots tueurs pourraient être utilisés de façon autonome, mais seulement à des fins défensives. 
 
Certains font cependant valoir que l’intelligence artificielle pourrait aussi aider à réduire le nombre de victimes innocentes lors de bombardements.
 
Selon les pacifistes qui s’opposent au développement des armes autonomes, ces dernières rendront la tâche plus facile aux gouvernements qui veulent partir en guerre, parce qu’ils n’auront pas besoin de déployer des soldats sur le champ de bataille, une éventualité de plus en plus impopulaire, ni même d’embaucher des spécialistes pour actionner les drones de guerre à très grande distance comme cela se fait depuis plusieurs années. 
 
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, a plusieurs fois plaidé pour que les États membres accouchent d’un traité sur les armes autonomes. 
 
La plupart des grandes organisations de défense des droits fondamentaux ont fait de même. On peut mentionner le Comité international de la Croix-Rouge, Amnesty International et Human Rights Watch, entre autres. 

« Personne ne veut vivre dans un monde où des machines sont utilisées pour cibler des êtres humains sur la base de capteurs et de logiciels », a déclaré Steve Goose, directeur de la division Armes à Human Rights Watch, à l’issue de la rencontre de Genève en décembre. 

« La révulsion du public provoquée par la déshumanisation numérique et par la prolifération des systèmes d’armes autonomes finira par faire avancer un traité international pour éviter de perdre un contrôle humain significatif sur l’usage de la force. » 
 
Autre forum

Étant donné que les « conférences d’examen » prévues par la « Convention sur certaines armes classiques» semblent incapables d’aboutir à une action déterminante, les adversaires des « robots tueurs » promettent de porter leur action dans un autre forum, comme d’autres activistes l’ont fait avant eux, non sans difficultés, dans le dossier des mines antipersonnel.
 
Il y a d’ailleurs un parallèle à établir entre les deux catégories d’armes. Qualifiées d’«armes des lâches», les mines antipersonnel sont déposées au ras du sol dans des lieux où des « ennemis » (et bien d’autres personnes, on le sait maintenant!) sont susceptibles de poser le pied et explosent sans qu’aucun être humain n’ait eu besoin de les actionner. 
 
Elles ont été les précurseurs de très basse technologie des robots tueurs, qui eux appartiennent à ce qu’on a convenu d’appeler la « haute » technologie.
 
Dans le même ordre d’idées (celui des idées martiales et déprimantes), le New York Times a publié, en décembre 2021, les résultats d’une vaste enquête sur les opérations aériennes menées par les Américains au Moyen-Orient au cours de la dernière décennie. 

Quels sont ces résultats ? Au moins un millier de civils ont été tués dans ces opérations, contrairement aux prétentions du Pentagone, qui n’a jamais blâmé qui que ce soit ni exercé de mesures disciplinaires. 
 
Là aussi, le parallèle est assez évident. Il s’agit de la distanciation entre celui ou celle qui actionne la gâchette et la cible (ou la victime, si vous préférez). Au cours de la décennie en question, les combattants américains des guerres « antiterroristes»  d’Afghanistan, du Pakistan, d’Irak, de Syrie et de  Libye, moins nombreux qu’au cours des années précédentes, étaient en grande partie des aviateurs ou des « pilotes» de drones. 

C’est le propre de la guerre asymétrique.


1. À Genève, pas d’entente sur des négociations sur l’interdiction des robots tueurs, dépêche de l’Agence France-Presse, 18 décembre 2021.
 
Les sites Internet de Human Rights Watch, de Campaign to Stop Killler Robots, du Comité international de la Croix-Rouge, de l’American Entreprise Institute, de l’Organisation des Nations Unies, du Guardian et d’Air Force Magazine ont été consultés pour la rédaction de cet article.
0 Commentaires



Laisser une réponse.

    Lectures de mai 2022
    Que se passe-t-il au Kremlin ?
    L'information sous les bombes
    La caricature du mois
    Le mariage de la carpe et du lapin
    L'inflation dope les finances publiques
    La langue, un enjeu déterminant
    Crises, la vérité, toute la vérité ?
    Les droits de la droite
    Israël-Palestine : «Trop c'est trop ! »
    Dur, dur d'être journaliste en Grèce
    Regards sur la presse japonaise
    Une famille royale marquante
    L'hénaurme Mingus
    Lectures à demeure
    Polar & Société : Préjugés et préjudices
    Lectures d'avril 2022
    Crime contre l'humanité ou génocide
    La caricature du mois
    L'Ukraine, Poutine et l'Histoire
    France : cohabitation adorée
    La CAQ triomphante
    Logement, le cercle vicieux
    Sale temps pour le plastique ?
    Le renard et les hommes
    Le vendeur d'émotions
    Un pan inconnu de l'Histoire
    Cellar Live ou la force du jazz
    Écouter les morts avec les yeux
    Polar et société : Un voyage dans le temps
    Lectures de mars 2022
    Dans le brouillard de la guerre
    Le militaire de Poutine
    Les Ukrainiens ne sont pas des Russes
    La caricature du mois
    Le retour de jean Charest
    L'inflation s'installe à demeure
    L'Afghanistan, misère !
    Seules au monde, les Afghanes
    Les Lumières du Panjshir
    Signes, signes
    Taxer davantage les riches ?
    Covid, guerre et climat à deux dollars
    Zoothérapie : intervention ciblée
    «Truth social», ou la vérité selon Trump
    William Parker, enfin !
    Amérique indienne, un coeur qui bat
    Polar et société : En direct de la fosse aux lions
    LECTURES DE FÉVRIER 2022
    Quand l'histoire bégaie ...
    Les zigzags sur le front de l'Est
    La caricature du mois
    La Chine, médaille d'or économique
    Année électorale pas comme les autres
    Les étudiants anxieux et ... déterminés
    Guantánamo, « l'Alcatraz des Caraïbes »
    La machine à remonter le temps
    États-Unis: une démocratie attaquée
    La dépossession des disparus
    Qu'est Nathalie Bondil devenue ?
    Le pianiste qui venait du froid
    Polar et société: Être ou ne pas être un ... polar
    LECTURES DE JANVIER 2022
    R2D2 s’en va-t-en guerre
    Les États-Unis en déclin, vraiment ?
    Rock and or !
    La peau d'Horacio Arruda
    La caricature du mois
    Élections : éduquer, éduquer, éduquer
    Désinformation : qui doit faire la police ?
    Le français, 5e langue mondiale ? Hum ...
    Une loi pour la liberté académique
    Maître Harris n'est plus
    Ciel mon cerveau !
    Polar et société: L'insoutenable lourdeur de lourdeur de l'êtreE
    Émile Nelligan: « un rêveur qui passe »
    Lectures de Décembre 2021
    Du gain et des jeux
    À DEUX PAS DE LA LIGNE ROUGE
    RÉFUGIÉS : LE CYCLOPE MÉDIATIQUE
    LA CARICATURE DU MOIS
    PETITES NOUVELLES DE FRANCE
    L'ALBERTA ET LA ROUTE DES DINOSAURES
    CES LANGUES QUI REFUSENT DE MOURIR
    FRANCE: QU'AS-TU FAIT À TON DOUX PARLER ?
    MAIS OÙ SONT PASSÉES LES GLACES D'ANTAN?
    GOLF: L'ATOUT INDÉNIABLE DE LA COVID
    SUN RAY AUX GRAMMYS ...
    TONY, DITES-VOUS !
    POLAR ET SOCIÉTÉ : UN ÉQUILIBRE BIEN FLOU
    LECTURES DE NOVEMBRE 2021
    PANDORA PAPERS: LES VRAIS PARADIS
    VICTIMES COLLATÉRALES, VOUS DITES?
    MINORITAIRES ET NON VACCINÉS
    L'INDÉPENDANCE, UNE IDÉE DU PASSÉ?
    LE REFLUX DE L'INDÉPENDANTISME CATALAN
    FACEBOOK : CROIRE EN LA MÉTA-MORPHOSE?
    la caricature du mois
    L'ENJEU IRLANDAIS DU BREXIT
    ET VOICI, GB NEWS!
    L'AMOUR SUPRÊME, SELON COLtrane
    POLAR ET SOCIÉTÉ: TANT DE VIOLENCE!
    MARIE-ANASTASIE : PRÉSENCE DE L'ABSENCE
    LECTURES D'OCTOBRE 2021
    Amazon à l'assaut
    Covid-19 le "virus de la faim "
    Trump encore et toujours
    Municipales: le réseau cyclable en tête
    Alerte aux lanceurs
    Raoult, le populisme scientifique
    Afghanistan : le difficile mea culpa
    Hémon, Going My Way

𝕰𝖓 𝕽𝖊𝖙𝖗𝖆𝖎𝖙 

Loin de l’actualité brûlante, loin des pesanteurs du deadline, loin du brouhaha des salles de rédaction, 𝕰𝖓 𝕽𝖊𝖙𝖗𝖆𝖎𝖙  réunit des journalistes* nés au temps de l’imprimerie et ayant tout le recul nécessaire pour mieux analyser les complexités du monde d’ici et d’ailleurs.
La retraite des « travailleurs de l’information », peu importe les médias, permet de tourner le dos à l’emballement perpétuel et renouer ainsi avec les plaisirs de la lenteur.
Avec 𝕰𝖓 𝕽𝖊𝖙𝖗𝖆𝖎𝖙, l’actualité vous est disséquée une fois par mois sous forme d’opinions certes, mais toujours basées sur des faits.

Suivez-nous!

    Contactez-nous

Envoyer