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Tony, dites-vous !

12/12/2021

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Pierre Deschamps
 
Depuis le lieu où ils sont nés et ont grandi, jusqu’aux années au cours desquelles ils se sont adonnés à la publicité, puis au cinéma, « en imposant tous deux un style reconnaissable, qui valorise le visuel, comme le ferait un peintre [, œuvrant]avec les même techniciens et les mêmes acteurs [, leurs]films partage[a]nt une même vision critique et désenchantée du monde »[1], tout les unit, même leur ADN. 
 
De l’aîné, on connaît le nom et le prénom ; du plus jeune, au prononcé du prénom, on reste interdit. À croire que Ridley et Tony seraient assortis à l’identité d’un même Scott. Or ce demi-inconnu de Tony a produit une œuvre qui marie une esthétique singulière à une mécanique d’action d’une efficacité redoutable. 
 
La confusion est telle encore aujourd’hui que, lorsque l’on parle du p’tit Tony, nombreux sont ceux qui hésitent, certains répétant comme une sorte d’incantation Ridley… Ridley... Mais dès lors que l’on cite quelques titres de ce Scott victime d’une sorte d’anonymat « prénominal » : Top Gun, Revenge, True Romance, Man on Fire, Spy Game… les visages s’éclairent. Aussitôt fusent les Bien sûr, bien sûr, je connais, voyons !
 
Pour se convaincre donc que le bien nommé Tony Scott, un « cinéaste flamboyant qui donne à voir et à ressentir lumière, chaleur, énergie », existe bel et bien, il suffit de s’engager dans la lecture de Tony Scott on fire, de Charlotte Largeron, qui relate dans le détail l’itinéraire créatif de celui que le préfacier Harry Gregson-Williams, qui a composé la musique des six derniers films du réalisateur, qualifie de « perfectionniste ».
 
En miniature
 
Tony Scott on fire, abondamment illustré, nous offre en miniature un univers protéiforme qui montre avec brio tout le savoir-faire d’un artisan dont l’œuvre « excessive et expressive » est un miroir qui « a fait de notre monde contemporain une mécanique à laquelle ses protagonistes doivent se confronter, par l’action ». 
 
Voilà un bel ouvrage qui hisse Tony Scott au rang de celui qui a donné ses lettres de noblesse aux « codes du cinéma d’action hollywoodien ».
 
Le paysage cinématographique dans lequel cet ouvrage nous entraîne révèle un artiste qui, dès Les Prédateurs(The Hunger), imprime à grands traits sur l’écran une virtuosité qui distinguera toute sa production par cette façon assez unique qu’il aura de renouveler sans cesse différents genres cinématographiques. 
 
Ainsi, dès ce premier film, « les scènes douces et esthétisantes de la lente décrépitude » de celui qui partage la vie d’une assoiffée de sang font « écho à une nouvelle façon d’envisager la figure du vampire », rien de moins. 
 
Tout l’art du cinéaste se vérifie à la 32e minute du film Unstoppable : une voiture roule, freine, frappe un véhicule qui tracte un van qui perd son chargement de chevaux qui se retrouvent au milieu des voies alors qu’un train arrive au loin à toute allure. 
 
« La caméra à mesure que la scène gagne en intensité se veut de plus en plus agitée, elle tremble, elle est bousculée comme les personnages présents sur les lieux et les chevaux ; seul le train est filmé en caméra fixe, frontalement [alors qu’en]à peine quelques secondes [on], passe de plans larges [...]à des plans très serrés sur des éléments précis [auxquels]le cinéaste ajoute des effets de zooms légers et rapides [...] Cette combinaison [traduisant] un sentiment de chaos articulé par le montage démesurément rapide ». 
 
« Entité tentaculaire »
 
De brillante façon, Charlotte Largeron traite de l’influence et de la présence de l’art dans le cinéma de Tony Scott : « Quand on regarde Estatede 1963 [de Robert Rauschenberg], on reconnaît Ennemi d’État[de Tony Scott] : la ville de New York représentée par ses symboles, les photographies découpées comme des plans, suivant des angles de vues inhabituels, des couleurs vives, des motifs urbains, plusieurs tonalités chromatiques, et le mouvement qui traverse l’ensemble », la ville devenant ainsi une « entité tentaculaire ».
 
En associant l’œuvre de Tony Scott à celle de Robert Rauschenberg, un des précurseurs du Pop Art aux côtés de Jasper Johns, elle introduit le lecteur de Tony Scott on fireà ce qui unit ces deux artistes qui « ont fait leurs les codes du monde moderne voué à l’éphémère et à la culture de masse. 
 
Les couleurs, le geste, le mouvement, les motifs et le montage ouvrent aux mêmes effets voire aux mêmes significations chez [l’un et l’autre] : tout est multiple, chaotique, mélancolique mais aussi lumineux, énergique et intense ». 
 
Maîtrise du mouvement
 
Ici Rauschenberg, ailleurs David Hockney, Georges Rouault, Vassily Kandinsky, Jan Van Eyck, Jérôme Bosch, Pieter Bruegel, William Turner… des peintres dont l’œuvre participe à distance à la genèse du récit filmique que nous propose celui qui n’aura de cesse de soigner l’image, son contenu, son contour, la plastique en fait de ce que nous donne à voir la pellicule sur laquelle s’exprime la maîtrise du mouvement et de la mise en scène. 
 
L’espace manque aussi pour souffler à l’oreille du lecteur toute l’éloquence avec laquelle Charlotte Largeron nous convie à apprécier l’esthétique extatique de Scott le Jeune (comme on dit Pline le Jeune), la présence de sa caméra omnisciente, son romantisme noir, la place qu’occupent les corps féminins, les huis clos dynamiques auxquels ils convient le spectateur. 
 
Et de tant d’autres marqueurs formels si prégnants dans sa filmographie : le générique et le casting de ses films, l’utilisation qu’il fait de la musique, le choix des lieux de ses tournages, les jeux de miroirs comme quête d’identité de ses personnages !
 
Puis il y a, comme une sorte de bonus, ce dernier chapitre consacré à ce qui lie Jean Epstein (un cinéaste français un peu oublié lui aussi) à Tony Scott, signalant que « tout ce que le premier envisage, esquisse dans ses propres films et théorise dans ses écrits, le second l’applique en allant toujours plus loin ».
 
Au final, tout l’art de Charlotte Largeron cette fois tient dans le labyrinthe qu’elle nous fait parcourir, tenant bien ferme le fil d’Ariane qui nous conduit dans les multiples recoins, replis, couches, rhizomes de l’œuvre d’un créateur dont l’esthétique « renvoie autant à la peinture flamande qu’aux artistes collages du XXesiècle, le cinéaste déplaçant sans cesse ses inspirations et multipliant les trajectoires ». 
 
[1]Toutes les citations de ce texte sont extraites de Tony Scott on fire.
 
Tony Scott on fire

Charlotte Largeron
Éditions Rouge profond, coll. Raccords
Aix-en-Provence, 235 pages
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