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Un équilibre bien flou

12/12/2021

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La pandémie a le dos large et le polar aussi; en fait, d’un côté comme de l’autre, toutes les déclinaisons semblent de plus en plus possibles… C’est ainsi que La Mèche éditeur présente L’équilibre, le quatrième roman de Cassie Bérard, comme un «polar dystopique» situé après la période «des» pandémies.
 
Michel Bélair

Bien sûr quand on parle de dystopie, on pense tout de suite à 1984 de George Orwell, ce roman visionnaire inspiré des dérives stalino-hitlériennes publié en 1949 — ce qui, avouons-le, place la barre assez haut. Mais qu’est-ce qu’un «polar dystopique»?
 
Pour Le Robert, c’est «un ouvrage de fiction décrivant un monde utopique sombre», et pour le Larousse, «une société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste»; Antidote parle d’un «récit de fiction pessimiste se déroulant dans une société terrifiante (par opposition à utopie)». 
 
On aura compris que, par définition, L’équilibre ne pouvait que mettre en scène un univers contraignant dans lequel les citoyens sont victimes d’un pouvoir omniprésent. 
 
Lorsque le roman s’amorce, rue Dauphiné à Saint-Lambert, le Parti citoyen a pris le pouvoir il y a déjà une décennie en «restructurant» la vie du citoyen lambda après la désastreuse période des pandémies.
 
Le Parti s’est imposé à travers tout le pays avec son programme de révolution sociale ou pénitentiaire. La nouvelle constitution est basée sur la stabilité et l’équilibre après que les insuffisances du système judiciaire de l’ancien régime — surtout face aux désordres créés par l’impact des virus — aient mené à la dévastation dans la société en général et dans les établissements pénitentiaires en particulier. Le nouvel équilibre repose maintenant sur le concept de responsabilité civile. 
 
Surveiller et punir
 
Cela veut dire que la vie a repris un cours à peu près normal après la catastrophe pandémique. Par contre, le contexte général est plutôt flou. On rencontre bien un garçon qui va à l’école, on croit voir passer une avocate puis un maire d’une petite municipalité et quelques policiers mais on ne connaît rien des gens en général. 
 
Ils font quoi, regardent quoi, mangent quoi? On ne le sait pas. Tout est partout flou. Ce que l’on comprend par contre c’est que le gouvernement surveille tout en impliquant tout le monde dans le processus. 
 
Désormais, les délinquants et les déviants sont incarcérés dans des cellules identiques de seize mètres carré dotées de caméras et du strict nécessaire. Ces prisons sont placées, une à une, un peu partout en régions et dans les banlieues, tout à côté des maisons des citoyens ordinaires (les geôliers-citoyens) qui doivent les surveiller.
 
À chaque prison sa maison! Pour que tout cela fonctionne, on a mis en place une bureaucratie d’enquêteurs, de vérificateurs, d’inspecteurs, d’ouvreurs et de bureaux de coordination émettant bien évidemment des tonnes de paperasses et de formulaires à remplir. 
 
Mais Cassie Bérard ne se contente pas de définir cette société dystopique; L’équilibre est un polar parce qu’une inexplicable vague d’évasions menace tout à coup le système et que nous suivons en direct l’enquête menée par l’inspecteur sénior Estelle et son équipe. 
 
Tout cela se passe, détail pas du tout anodin, autour des célébrations entourant le dixième anniversaire de l’élection du Parti alors qu’on se prépare à instituer une réforme — la Loi sur les mesures de protection collective, votée par référendum  — impliquant l’élimination de certains mots dangereux pour l’équilibre de la société. Ça vous rappelle quelque chose? N…on?
 
Voilà le contexte global dans lequel se déroule cette histoire étrange qui figure sur la liste préliminaire des finalistes du Prix des libraires du Québec. Étrange parce que le cadre en est si déterminant, si questionnant, qu’il en vient à susciter beaucoup d’attentes. 
 
Car le roman met en fait en scène, d’une part, l’impact des pandémies sur la société — déjà en soi un sujet qui nous intéresse tous… — et, d’autre part, cette préoccupation de fond par rapport à la déviance sur laquelle s’est penché le philosophe Michel Foucault dans l’incontournable Surveiller et punir (Gallimard, 1975). 
 
Le pire 

Qu’est-ce qui constitue une déviance sociale? Il y a bien sûr des circonstances plus évidentes qui justifient que l’on surveille et que l’on punisse — la délinquance, la criminalité, la violence, etc. — et d’autres, beaucoup moins. On pense ici au délit d’opinion et plus encore à la libre expression des idées que se propose d’endiguer la Réforme après les dix ans au pouvoir du Parti citoyen. 
 
Même si le passage est brutal, sinon quantique, du premier type de déviance à l’autre, c’est ce cadre de référence et ces questions brûlantes d’actualité qui font le principal intérêt du livre de Cassie Bérard.
 
Mais beaucoup de choses dérangent ici. Surtout ces concepts de «devoir citoyen» et de «responsabilité collective» dont le sens détourné aboutit à cette fausse transparence impliquant que tout le monde surveille tout le monde au cas où le pire arriverait. 
 
Comme si le pire n’était pas dans ce simple et déroutant état de fait qui est à la base de tous les régimes totalitaires. Et puis ce lien presque incestueux entre les prisonniers et les citoyens-geôliers donne vraiment froid dans le dos.
 
Par contre, on peut penser que le message aurait été plus percutant s’il avait été porté par de véritables personnages en chair et en os… ce qui fait cruellement défaut ici. Le flou domine partout; autant dans la mécanique du système que chez ceux et celles qui en sont victimes. 
 
Estelle, par exemple, incarne d’abord, comme tous les principaux personnages du roman, une position sur l’échiquier des forces en présence. Même si elle est confrontée à un drame déchirant qui risque de déchiqueter ce qui lui reste de vie.
 
Quand elle n’écrit pas de roman, Cassie Bérard enseigne à l’UQAM les théories de la fiction, les narrations extrêmes et la création littéraire. On souhaiterait, quand on la lit, un peu moins de flou dans son récit et plus de mordant, même d’extrême dans son écriture.
 
L’équilibre
Cassie Bérard
La Mèche
Montréal 2021, 286 pages
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